Une nouvelle aube / les pensées tourmentées d’un Cerbère.
Mort…
Balik était mort…
Mort…
Si Fol avait été là, il aurait pu le venger à nouveau, se venger à nouveau, mais Fol était mort aussi…
Tout était fini…
Un mois, déjà…
Et pourquoi l’image et la voix de cet enfoiré ne disparaissaient toujours pas…
Pourquoi ne cessait-il pas de penser à cet abruti qu’il détestait tant…
Pourquoi son dernier sourire, avant que ses yeux ne se ferment et que son visage ne se fige, lui revenait-il sans cesse en mémoire ?
Pourquoi…
« Vous êtes…notre ami à tous. »
Tels avaient été ses mots…
Un ami…mais c’était quoi les amis, d’abord ? S’il devait les perdre, à quoi ça servait d’en avoir ?
« La douleur est proportionnelle à ce qu’ils nous ont apporté. »
« Ta gueule… », murmura-t-il.
Pourquoi ne parvenait-il pas à l’oublier ? Simplement l’oublier…tout oublier…Et pourquoi se posait-il autant de questions…
Un ami ?
Un ami.
Un ami…
Il avait besoin de prendre l’air…c’est ce qu’il avait décrété à Satan, un mois plus tôt…Ce gros thon avait accepté avec un regard triste…Et maintenant cela faisait un mois qu’il se trainait dans le monde des humains, derrière cet enfoiré auquel il était lié…cet abruti, ce crétin, cet esclavagiste, ce pervers…
Son meilleur ami…
Kazuma Magari…son enfoiré de meilleur ami.
Il l’avait encore trainé derrière lui tout l’après-midi dans Tokyo…et les voilà maintenant, assis sur une colline, à l’extérieur de la ville, attendant il ne savait même pas quoi…Est-ce qu’ils attendaient quelque chose d’ailleurs ? Il n’en savait rien…et il s’en foutait complètement…
Il devait être cinq heure et demie…peut-être.
Il en avait marre de réfléchir, mais il ne pouvait pas s’en empêcher. Comme à chaque fois qu’il ne parlait pas ou qu’il était seul, tout lui revenait en mémoire…Mais il aurait tant voulu tout oublier, au moins provisoirement.
Un mois…
Un mois que cela durait.
Un mois passé à se torturer l’esprit et à se réveiller plusieurs fois par nuit… à cause des cauchemars… mais ça, il aurait préféré crever que d’en parler à qui que ce soit.
« C’est pas drôle quand tu parles pas, Médor.
- …je t’emmerde, abruti !
- T’y pense encore, hein ?
- Ta gueule…, murmura-t-il de nouveau.
- Moi aussi, je t’aime. »
Aimer.
Encore un mot dont il n’était pas certain de comprendre le sens…
Mais il était au moins à peu près sûr que l’ « amour » et l’ « amitié » avaient un lien.
« Tu veux pas aller faire de la balançoire, Médor ? »
De la balançoire ? Mais qu’est-ce qu’il racontait, ce crétin ? Ah, tiens, oui, ils se trouvaient près d’un petit terrain de jeux pour gamins…il n’avait pas remarqué.
« Je suis pas un chien !!
- ça ne répond pas à ma question.
- Tu te fous de moi ?!
- Bravo, tu deviens intelligent.
- Va te faire foutre !
- Par qui ? »
Il ne répondit rien.
Pas qu’il ne savait pas quoi répondre, bien au contraire, mais le cœur n’y était pas.
Il savait…Il savait que son attitude inquiétait Kazuma…il savait que Kazuma savait…mais il ne faisait rien pour arranger les choses, pour le rassurer…pas que ça à foutre.
Depuis un mois, il était passé de l’état de démon majeur à celui de mollusque.
Les généraux étaient venus le voir, même l’autre gros thon était passée, et elle l’appelait souvent, mais il ne répondait pas toujours…ras le bol. Il avait vu la même chose dans les yeux de chacun, le même sentiment.
De l’inquiétude.
Pourquoi ces crétins s’inquiétaient-ils ? Il ne leur avait rien demandé, bordel ! Il les détestait tous, de toute façon…toujours à le traiter comme un gosse…comme Bajy, par exemple !
Bajy…
« Pourquoi Balik est mort, à votre avis ? Pour qu’on avance ! »
Pourquoi s’inquiétaient-ils…
Des amis ?
Des amis…
Avancer…
Mais pour aller où ?
Faire quoi ?
Il ne savait pas, il ne savait plus.
Des amis.
Balik…
Satan, Caïn, Bajy, Leviath, Renardo, Melphia, Roné, Othel, Anith, Kiiri…et Kazuma aussi…Nixe et Kenny, peut-être…
Tous.
Des amis.
« Je ne laisserai plus jamais personne crever ! »
Ses propres mots…
Lorsqu’il les avait prononcés, il y avait mis toute sa volonté…
Avancer…
Des amis…
L’amitié…
L’amour…
Des voix s’approchaient, des voix de filles…
Leurs propriétaires arrivèrent ; elles riaient aux éclats.
Quatre filles.
Pas japonaises, c’était certain.
Des européennes, peut-être.
Deux étaient brunes ; la couleur de cheveux d’une autre oscillait entre le brun et le rouge, la dernière était blonde.
« Des françaises, dit l’autre à ses côtés
- Comment tu les sais ?
- Ça s’entend : la langue qu’elles parlent, je crois que c’est du français.
- Qu’est-ce qu’elles foutent là ?
- Elles ont le droit de se promener un peu en dehors de la ville aussi, tu sais.
- Je sais bien, abruti ! Je demandais ce qu’elles foutaient au Japon !
- Elles ont le droit de voyager aussi, tu sais.
- T’es chiant !
- Merci. »
Les quatre filles se dirigeaient vers les jeux, deux d’entre elles couraient vers les balançoires. Elles étaient vraiment débiles ou quoi ? Elles avaient quel âge ?
Elles riaient…
Aux éclats…
Un rire on ne peut plus franc. Et frais.
Ces derniers temps, il avait oublié ce que signifiait « rire », même si, depuis sa naissance, il n’avait pas beaucoup rit.
Quatre filles.
Une amitié.
Une amitié qui s’étendait sans aucun doute à d’autres personnes.
L’amitié.
L’amour.
Ses amis.
Il ne pigeait pas très bien pourquoi, mais il ne voulait pas les perdre, eux aussi, pas après ce qui était arrivé à Balik. Pas comme Balik…
Avancer.
Il allait apprendre à contrôler son pouvoir, ce pouvoir que Fol lui avait donné.
Il allait apprendre…pour ne pas les voir crever.
Il allait apprendre…pour tous les protéger.
Un pouvoir considérable qui risquait de causer sa propre perte…
Il s’en foutait.
Avancer.
Il allait avancer.
« Tiens, tiens, salut Cerbère ! »
Il se releva lentement, gardant la tête baissée et les poings serrés. Même si la Résistance n’était plus, il y aurait toujours des crétins attirés par son pouvoir…bon, il fallait encore que les crétins en question soient au courant de son existence…
Ceux-là l’étaient, apparemment.
Il allait apprendre à contrôler son pouvoir.
Et il allait pouvoir commencer maintenant.
« Pfffff, décidément, on sera jamais tranquilles…on y va Médor ?, demanda Kazuma
- Ouais !!! J’vais pas les rater ! Tu vas voir ! Je suis le plus fort !! »
Enfin j’te retrouve… Il allait avancer.
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"épilogue" Les quatre filles s’étaient tues depuis l’arrivée de ces six types louches, elles observaient la scène.
Bah…il n’aurait qu’à demander à l’autre boudin de tout leur expliquer…si le boudin en question ne l’achevait pas avant qu’il ne puisse parler…